Associé aux sujets : Inégalités VS Écologie, L’écologie et ses clichés, Réduire son empreinte carbone
Chez TSEB, il est vrai que nous parlons souvent d’analyses, ruptures et transformations d’un point de vue systémique, global. En effet, l’importance de nos relations et rapports avec ce qui nous entoure, du cadre socio-économique dans lequel nous évoluons et de notre manière de répondre aux enjeux liés à notre ère en tant que société relève, selon nous, de l’évidence.
La plus parfaite illustration en la matière est la part de Gaz à Effet de Serre (GES) à incomber aux individus eux-mêmes, c’est-à-dire aux actions individuelles de chacun : en supposant que nous agissions tous à la hauteur de nos moyens pour réduire nos émissions de GES (ce qui est relativement optimiste, vous en conviendrez), sans changements structurels adéquats, seul un quart de l’objectif serait atteint. Autrement dit, il faudrait encore réduire de 75% les émissions de GES pour limiter le réchauffement global à environ 2°C.
Ce constat démontre de façon irréfutable la limite des actions à l’échelle individuelle : le plus problème n’est pas uniquement le consommateur lui-même (d’autant que ce dernier est conditionné en permanence, ne manquons pas de l’oublier), également le système consumériste (responsable du conditionnement par ailleurs).
Au-delà de l’aspect philosophique et idéologique de la chose (pourquoi serions-nous consommateurs avant d’être citoyens, et pourquoi analyser le problème de manière aussi simpliste qu’à travers le prisme de l’individu ?), qui a déjà été abordé en long et en large dans notre article sur les inégalités, la nécessité d’une transformation de notre système macro-économique s’impose de manière incontestable.
Cela étant, tout cela ne signifie pas pour autant que notre responsabilité individuelle n’est pas engagée, surtout dans une période où une transformation systémique n’est pas encore à l’œuvre : en effet, la modification du cadre exécutif et, par voie de conséquence, du cadre législatif bornant nos comportements sociaux, encouragerait de nouvelles pratiques de consommation, de gestion des ressources, un autre rapport au monde,…
Seulement, ces changements ne peuvent survenir si le citoyen s’y oppose en ignorant, voire en refusant l’adoption de nouveaux comportements indispensables à la limitation de la crise écologique suivant ses capacités et moyens (la justice sociale étant au cœur d’une telle démarche).
La bonne nouvelle, c’est que 70% des Belges seraient favorables à des mesures plus strictes pour inciter un changement des comportements individuels. Mais finalement, pourquoi attendre la contrainte pour commencer à en discuter sérieusement et à s’y mettre ? Ne vaudrait-il pas mieux éviter une politique du rationnement brutale et mise en place dans l’urgence, en prenant les devants ?
Dès lors, il serait tout aussi regrettable de ne pas évoquer des pistes pour réduire son empreinte carbone personnelle.
Pertinence des actions à l’échelle individuelle
Pour commencer, rappelons que l’empreinte carbone moyenne d’un Belge est de l’ordre de 16t à 17t d’équivalent CO2 par an [¹][⁵][²¹]. Bien sûr, cette donnée ne tient pas compte des disparités liées aux inégalités : en France par exemple, comme nous l’avions mentionné dans notre article sur les inégalités, les 50% les plus pauvres émettent à peu près 5t d’équivalent CO2, tandis que les 10% les plus riches en émettent à peu près 5x plus !
Pour donner un point de comparaison, les émissions moyennes françaises sont d’environ 11t d’équivalent CO2 par habitant [²]. Cette différence notable est notamment due au fait que l’économie de notre pays est extrêmement dépendante du reste du monde [³] et des importations (notamment sur le plan énergétique [⁴] ), plus que ne l’est la France (l’impact de celles-ci étant pris en compte dans le calcul)…
Or, pour limiter le réchauffement climatique à environ 2°C, nous devons passer à une moyenne… de 2 tonnes d’équivalent CO2 par an et par personne avant 2050 à l’échelle de la planète [⁶], c’est-à-dire à un niveau d’émissions en adéquation avec la biocapacité de la Terre à absorber le CO2 émis par nos activités, soit diviser par 8 en moyenne nos émissions ici, en Belgique !
Actuellement en France, rien que les émissions liées au service public (hôpitaux, administration, recherche, écoles, armée,…) correspondent à une fourchette oscillant entre 1.1t et 1.7t par an et par personne [⁷], soit la quasi-totalité du quota carbone qu’il faudrait respecter pour 2050. En Belgique, les émissions liées au service public et aux investissements industriels dépassent les 3t par an et par personne [¹] ! Démonstration supplémentaire que la manière dont nos infrastructures fonctionnent (ou du moins, le système sur lequel elles reposent) doit elle aussi être profondément revisitée…
Pour rester sur une trajectoire de 2 degrés de réchauffement global, il faudrait ainsi diminuer les émissions d’un peu plus de 5% par an. Pour vous donner une idée, c’est à peu de choses près la réduction des émissions observée en 2020, c’est-à-dire avec une économie au ralenti pendant plusieurs mois.
A noter que plus on attend avant d’entamer une baisse des émissions, plus les efforts à fournir en matière de réduction annuelle des émissions afin de limiter le réchauffement global à +2°C, devront être importants…
Naturellement, il ne serait pas question d’avoir, en termes d’impacts, l’équivalent d’un nouveau Covid-19 (venant s’additionner chaque année au Covid précédent !!!!), tant on voit mal comment notre économie actuelle pourrait absorber et amortir pareille contraction. Précisément, nous voyons bien ici qu’un nouveau système socio-économique capable d’encaisser une telle réduction est la seule solution pour y parvenir, surtout quand on sait que les émissions sont reparties à la hausse en 2021 pour retrouver un niveau similaire à celui d’avant crise.
Ci-dessous, les propos du professeur ayant dirigé l’étude, Pierre Friedlingstein (faisant partie du Global Systems Institute de l’université d’Exeter) concernant cette tendance [⁸] :
« Le rebond des émissions mondiales de CO2 d’origine fossile en 2021 reflète un retour vers l’économie fossile pré-Covid. Les investissements dans l’économie verte prévus dans les plans de relance post-Covid de certains pays ont été insuffisants jusqu’à présent, à eux seuls, pour éviter un retour substantiel proche des émissions pré-Covid »
Du coup, comment agir concrètement, à son échelle, pour réduire son empreinte carbone ?
Vous l’aurez compris, le premier levier, celui qui parait d’emblée le plus évident, c’est d’exercer pleinement son pouvoir citoyen afin de faire pression sur les institutions en place, de défendre aussi bien les droits humains que ceux de la Nature et de désobéir civilement (dans la mesure du possible bien évidemment).
Il s’agit de s’engager politiquement, non pas dans le sens traditionnel du terme, mais dans le sens d’une lutte contre un système idéologique qui conditionne la politique ou encore la macro-économie en place, en s’informant des dérives dans un premier temps, puis en organisant des actions collectives transformatrices : événements et manifestations revendicatives, participation au débat d’idées, développement et analyse des alternatives possibles, propositions politiques, mise en place de solutions concrètes,…
Bref, c’est finalement en grande partie ce que l’on essaie d’accomplir chez TSEB ! Donc n’attendez plus, ne laissez plus cette débandade figer dans le marbre un aussi funeste destin et saisissez cette ultime occasion de pouvoir historiquement contribuer à la construction d’une lueur pleine d’espoir !
Les actions à l’échelle individuelle
Pour ce qui est des actions purement individuelles, qui restent de toute manière absolument nécessaires pour atteindre l’objectif final, elles consistent à réduire sa consommation en produits et en énergie, et plus précisément tout bien de consommation ou service qui possède une empreinte carbone importante.
Ces différents biens et services sont repris dans les secteurs suivants [¹] :
- l’alimentation (2.2t + 0.7t horeca)
- le logement (2.6t)
- les transports (2.8t + 0.5t aviation)
- les loisirs, vêtements, multimédia (2.2t)
- la consommation de biens et services des ménages (1.4t)
- les autres usages d’énergie : cuisson, éclairage, appareils électroménagers et électroniques (0.5t)
- les services publics et investissements industriels (3.2t)
Puisque les émissions liées aux services publics et investissements industriels (SP) sont indépendantes de notre volonté propre et sont à la charge de la collectivité (c’est-à-dire d’une vision systémique du problème), retirons-les de l’équation. Restent alors environ 13t sur lesquels nous pouvons directement jouer à travers notre consommation.
Rappelons à ce titre que les 3.2t liées aux SP compromettent à elles seules l’objectif de 2t à viser… Certes, il nous reste encore un peu moins de 30 ans pour y parvenir, mais la marge de progression pour s’en rapprocher reste colossale !
Pour avoir une idée plus concrète de ce que cela représente, fixons un objectif intermédiaire et progressif au cours des 10 prochaines années, à l’issue desquelles il serait plus judicieux d’avoisiner les 8t d’équivalent CO2 par an et par personne, soit 5t hors SP.
Nota bene : à titre informatif, certaines personnes arrivent déjà à avoisiner les 2t d’équivalent CO2 par an hors SP, à l’instar de Gildas Véret créateur du kit « Inventons nos vies bas carbone« . Mais si une telle prouesse reste possible en France, non sans efforts conséquents voire héroïques toutefois, elle semble encore plus délicate à réaliser en Belgique, compte tenu de notre plus forte dépendance aux produits importés.
Remarque : comme nous l’avons rappelé plus haut, les 50% les plus pauvres sont déjà, bien malgré eux, proches de cet objectif de 5t d’équivalent CO2 par an et par personne hors SP. Mais derrière se cache une situation peu agréable, régie par la contrainte, la souffrance de cruels manques et l’impossibilité d’optimiser sa consommation, que ce soit au niveau de l’isolation, du système de chauffage, de l’achat de produits locaux issus de l’agriculture locale bio ou d’un potager, etc. Dès lors, les pistes d’efforts que nous proposerons ci-après concernent en priorité les ménages plus aisés, ayant les capacités et moyens d’adapter leur consommation, tandis que les transformations structurelles, qui font l’objet d’un autre débat, doivent garantir à tous, y compris aux plus démunis, une réponse aux besoins essentiels et fondamentaux a minima.
A travers cet article, nous encourageons donc la sobriété, c’est-à-dire à une réduction de la consommation volontaire, choisie, organisée, planifiée et désirable, qui reconnecte l’être à l’essentiel de ses besoins et l’invite à redéfinir des désirs moins matériels et plus soutenables, mais aussi moins frustrants, compulsifs et plus épanouissants. En résumé, nous croyons en une sobriété heureuse qui rendrait nos vies meilleures car davantage axées sur le sens de notre existence, sur le lien social et sur la beauté du Vivant : moins de biens, plus de lien (en bref, apprendre à vivre mieux avec moins).
A l’inverse, nous dénonçons avec force la pauvreté, qui contrairement à la sobriété relève d’une réduction de la consommation involontaire, subie, forcée et absolument pas prévue ni organisée, en particulier chez ceux qui sont déjà contraints d’accomplir de gros efforts et d’accuser une certaine privation concernant leurs besoins de base (en définitive, vivre moins bien avec pas assez). L’un de nos rêves chez TSEB, c’est justement de vivre dans un monde où la pauvreté n’existerait plus !
Maintenant que nous avons posé l’envers du décor et déclaré cette invitation à la sobriété, in fine, quelles actions pourrions-nous privilégier pour tendre vers cet objectif de 8t d’ici 10 ans ?
1) Changer son alimentation (moins de viande)
Tout d’abord, compte tenu des impératifs sociaux et environnementaux que font intervenir la démographie et l’artificialisation/appauvrissement des sols, si l’on veut pouvoir nourrir une population qui pourrait atteindre 10 milliards d’ici 2050, il va falloir changer d’agriculture afin qu’elle soit plus résiliente face au changement climatique et moins dévastatrice pour la biodiversité des écosystèmes, ainsi que vis-à-vis des cycles biogéochimiques nécessaires à la Vie (cf. notre article sur la monoculture intensive).
Nos articles sur l’agriculture biologique et l’agroécologie démontrent par ailleurs que cette révolution agricole devra passer par moins d’élevage, et donc moins de consommation de protéines carnées. Ainsi, la nécessité de manger moins de viande ne devrait plus surprendre personne à ce stade. Mais qu’impliquerait une diminution de la consommation de viande pour le citoyen moyen d’un point de vue CO2 ?
« Un repas à « dominance animale » ( steak-jambon-fromage) émet environ 7kg de CO2 d’après l’ADEME. Donc steak-jambon-fromage midi et soir, ça mène à plus de 5tCO2e par an (sans parler des maladies cardio-vasculaires… et donc de l’impact sur les services publics ! ) » [⁷][⁹]
Navré pour les carnivores, mais les 200 à 250g de viande par jour ne sont tout simplement pas compatibles avec un monde soutenable…
Pour les moins aguerris, vous pourrez commencer par adopter un régime « flexitarien », qui consiste à manger plus sainement (moins d’aliments industriels) et à réduire sa consommation de viande de 31%. La manœuvre devrait vous permettre de réduire les émissions liées à votre alimentation d’à peu près 37% (en passant de 2.2t à 1.39t) [⁹].
Enfin, bien que les activités permettant de sociabiliser soient essentielles (ce n’est certainement pas nous qui allons dire le contraire), il serait également intéressant de privilégier un peu plus régulièrement les bistrots du terroir et consommer un peu moins d’alcool ! En effet, il est estimé que les émissions liées à la consommation dans le secteur de l’Horeca correspondent à 0.7t par personne et par an en Belgique [¹].
Bien évidemment, le plus gros de l’effort se situe dans la manière de rendre le secteur plus écologique, en réduisant par exemple le gaspillage alimentaire et énergétique, en favorisant des plats élaborés à partir de produits locaux,… Mais peut-être faudrait-il également revoir notre rapport à la fête : nous ne sommes pas obligés de nous gaver de produits ultra transformés, ni de nous déglinguer la santé avec 4 litres de bière chaque weekend ! (nous sommes dans la caricature, mais vous voyez où nous voulons en venir…)
En parlant de bière, saviez-vous qu’il faut jusqu’à 10 litres d’eau pour en fabriquer seulement 1 litre, et que l’empreinte totale sur l’eau sur tout le cycle d’élaboration d’un litre de bière (allant de l’irrigation des cultures de malt et d’orge, soit des ingrédients nécessaires pour faire de la bière, jusqu’au rinçage des cuves) est de 300 litres ? Oui, 300 litres !
Côté CO2, un litre de bière importée correspond à environ 1kg d’équivalent CO2, contre 0.3kg pour une bière locale commandée directement à la microbrasserie. Du coup, ça vaut quand même le coup de privilégier une consommation de bières plus locales et un peu plus modérée, non ?
Bref, rien qu’en changeant notre rapport à la fête, notamment en consommant un peu plus modérément dans des bars et bistrots du coin proposant des produits locaux et moins transformés, nous pourrions réduire sensiblement notre empreinte carbone tout en préservant notre santé et notre vie sociale !
2) Chauffer moins, isoler plus
Cela parait on ne peut plus évident et presque avilissant de le rappeler, mais légèrement baisser le thermostat permet de faire des économies d’énergie, et donc de réduire les émissions de CO2 induites par votre système de chauffage. Ainsi, si vous avez pour habitude d’évoluer dans des températures supérieures à 20°C, pensez à mettre le chauffage sur 19°C la journée dans les pièces occupées (15°C si vous êtes absent) et l’éteindre la nuit (15°C suffisent si vous avez une bonne couette) [¹⁰].
Le fait de passer de 21°C à 19°C réduit de 12% votre consommation énergétique. On obtient dès lors, à la grosse louche (puisqu’en Belgique, environ 80% de l’énergie consommée par les ménages pour le chauffage est fossile), des émissions de l’ordre de 2.29t de CO2 par an à la place de 2.6t.
Cela n’a l’air de rien, mais dans la mesure où la majorité des Belges évaluent la température idéale à l’intérieur des bâtiments au-dessus de 19°C (20-21°C pour la plupart), il est très probable que la plupart d’entre nous soient concernés. Néanmoins, il nous parait tout aussi indécent de donner des leçons aux gens qui peinent déjà à se chauffer au-dessus de 17°C en hiver, en particulier s’ils vivent dans des passoires thermiques et se serrent toujours plus la ceinture face à la montée fulgurante des prix de l’énergie.
En ces temps difficiles, nous vous faisons part de toute notre sollicitude et implorons plus que jamais nos gouvernements à prendre des mesures qui préserveront nos concitoyens du froid !
Si vous désirez aller plus loin dans la démarche (et en avez la possibilité surtout), changez votre système de chauffage et optez pour un poêle à masse couplé à un système de chauffage + chauffe-eau solaire, avec une bonne isolation en priorité.
Une pompe à chaleur peut aussi faire l’affaire, mais attention : les frais d’entretien et d’installation sont plus conséquents, et même si la carbonation de notre électricité est pour l’instant réduite grâce au nucléaire, reste encore à savoir comment l’abandon de l’énergie atomique (initialement prévue pour 2025, repoussée à 2035) va être organisée et compensée pour éviter une augmentation de l’empreinte carbone de la production d’énergie électrique.
Enfin, l’usage d’hydrochlorofluorocarbures nécessaires à leur fonctionnement (en tant que fluides frigorigènes) – qui ont un effet de serre extrêmement puissant une fois relâchés(*) dans l’atmosphère – n’en font pas l’absolue panacée.
(*)leur relâchement survient immanquablement à cause de fuites, souvent dues à une négligence dans le montage, l’entretien ou le reconditionnement des fluides frigorigènes.
A titre indicatif, une maison bien isolée permet de diviser la consommation d’énergie thermique par 2 par rapport à une habitation n’ayant pas bénéficié d’une telle isolation [¹¹][¹²], tandis que plus d’un tiers des habitations belges seraient considérées comme « passoires énergétiques » (mal, voire très mal isolées). Néanmoins cette isolation représente un certain coût, impossible à amortir pour certains (si pas la plupart) d’entre nous.
3) Plus de mobilité douce, ne plus prendre l’avion
En ce qui concerne la mobilité, les voitures inutilement lourdes tels les SUV sont absolument contraires au principe de sobriété, en plus de ne répondre à aucun besoin spécifique : ce ne sont pas des véhicules tout-terrain, elles ne sont pas plus spacieuses qu’une berline et elles n’offrent aucune expérience de conduite particulière, si ce n’est celle de se tenir dans un mastodonte inutilement gros qui symbolise purement et simplement une certaine forme d’esthétique au détriment de tout bon sens.
Privilégiez plutôt un véhicule plus léger et de petite cylindrée qui répond à vos besoins quotidiens en déplacement : par exemple, il est inutile d’avoir un monospace si vous devez transporter 6 personnes seulement 2 fois l’année. Qui plus est, votre portefeuille vous dira merci (taxe plus faible, basse consommation, assurance moins chère). Dans le cadre d’une situation exceptionnelle, il vous sera toujours possible de louer un autre véhicule.
Pour les vacances, il nous semble pertinent de prioriser des escapades plus proches de chez soi afin de (re)découvrir les régions environnantes. On ne s’en rend pas toujours compte, mais notre pays possède un patrimoine culturel incroyable et de splendides paysages ! Ainsi, plus besoin de prendre l’avion (pour ceux qui ont déjà eu cette chance, car rappelons que 90% de la population mondiale n’a jamais pris l’avion), ce qui réduira votre empreinte carbone de plusieurs centaines de kg d’éqCO2 pratiquement sans effort !
Si malgré tout le désir d’un voyage plus lointain sommeille en vous, essayez dans la mesure du possible de privilégier les trajets en train et de réduire au maximum l’usage de l’avion.
Enfin, réduisez (là aussi dans la mesure du possible) les km parcourus avec votre auto en privilégiant la marche et le vélo pour les distances les plus courtes. En Wallonie, les trajets parcourus en voiture et en moto représentaient plus de 87%, contre 1.6% pour le vélo et 2.8% pour la marche en 2017 [¹³] ! Or à l’échelle du pays, pour les trajets d’une distance comprise entre 2 et 5 km, la voiture est utilisée dans 42% des cas et 17% des déplacements de moins d’un kilomètre se font encore en voiture [¹⁴] ! Enfin, 18% des déplacements en voiture sont inférieurs à 5 km ! [¹⁵] (pg 22)
Bref, si tout le monde arrêtait demain de prendre la voiture pour des trajets de moins de 5 km, et privilégiait un poil plus la mobilité douce, il serait possible de réduire de 20% les émissions de GES liées à la voiture (soit de 10% les émissions totales liées au transport). Cette démarche, assez simple en soi, permettrait de passer d’une empreinte carbone liée à la mobilité de 2.8t à 2.5t par habitant.
4) Consommation plus sobre du numérique et slow fashion
Notre consommation liée au numérique ne cesse d’augmenter, et ça ne risque pas de s’arranger avec le déploiement de la 5G ! Bref, privilégiez les vidéos basse résolution, les podcasts, limitez votre pratique du streaming (qui représentait 61% du trafic web mondial en 2019 ! [¹⁶]) et nettoyez régulièrement votre boite mail en y supprimant spams et autres messages promotionnels et en ne conservant que les mails importants [¹⁸]. Cela ne demande pas vraiment d’effort et permettra de limiter l’explosion de l’empreinte carbone du numérique (du moins, si tout le monde s’y met), qui est aujourd’hui équivalente, si pas supérieure à celle de l’aviation (le numérique étant responsable d’environ 4% des émissions mondiales de GES dans le monde [¹⁷]) !
Pour le reste, et c’est finalement le plus important tant ils induisent et représentent 66% des émissions liées au numérique dans le monde (fabrication + utilisation) [¹⁹], conservez le plus longtemps possible vos smartphones, PC, TV et autres terminaux et privilégiez leur réparation à leur remplacement si c’est possible. En moyenne, nous avons tendance à remplacer nos smartphones tous les 2 ans ! En faisant un peu plus attention à nos appareils et en limitant notre appétit pour les nouvelles tendances, nous pourrions aisément prolonger la durée de vie de nos appareils numériques d’un facteur 2, notamment en conservant notre smartphone 4 ans minimum et notre PC au moins 8 ans.
Il est évidemment possible d’aller encore plus loin, mais cela requiert l’abolition de l’obsolescence programmée et le développement d’appareils beaucoup plus robustes et sobres, c’est-à-dire là aussi des changements structurels importants.
Niveau vêtements, gardez-les le plus longtemps possible et n’achetez que ce dont vous avez vraiment besoin. N’hésitez pas également à favoriser le marché d’occasion / de la seconde main.
5) Un peu de sobriété aussi dans le reste
Enfin, pour ce qui est de la consommation des biens et services acquis par les ménages (médicaments et frais médicaux, produits de nettoyage, mobilier,…) et de l’énergie, il semble a priori difficile de vous suggérer quelque réduction que ce soit. Là encore, c’est davantage grâce à des changements structurels que les plus grandes réductions pourront être obtenues.
Pour résumer
Pour devenir un citoyen plus engagé dans la cause climatique et environnementale :
- le plus impactant, même si cela semble contre-intuitif, c’est d’exercer le plus possible son pouvoir citoyen (en d’autres termes, s’engager politiquement) ;
- ensuite, il faut modifier/adapter ses comportements en tant que consommateur.
En particulier à l’échelle du consommateur, nous pouvons dégager deux catégories d’efforts :
- les petits gestes, accessibles à l’ensemble de la classe moyenne ;
- les gestes plus importants, qui demandent un investissement personnel plus conséquent et des moyens d’action (économiques et financiers) plus élevés, voire inaccessibles pour l’individu moyen (en théorie oui, en pratique…) ;
à savoir que ceux-ci dépendent finalement de votre habilité à changer plus ou moins fortement vos habitudes, des ressources dont vous disposez et du contexte (les mesures mises en place par les gouvernements, changements structurels,…).
Intéressons-nous dès lors aux gains potentiels de chaque catégorie.
1. Les gestes décrits plus haut (déjà importants) permettent de réduire de 37% l’empreinte carbone liée à l’alimentation, de moitié celle liée à l’horeca, de 12% celle du logement, de 10% celle des transports, de moitié celle du numérique et des vêtements et de supprimer celle liée à l’avion, ce qui nous donne un total d’éq CO2 par personne et par habitant de 9.85t [²⁰].
Cela reste malheureusement encore trop élevé, mais leur exécution permet une réduction de 3t de notre empreinte carbone (soit d’environ 20%), ce qui n’est pas rien !
2. pour les plus fortiches d’entre nous, qui adopteraient un régime végétarien (environ 2x moins émetteur qu’un régime classique), limiteraient l’usage de la voiture aux trajets les plus essentiels (4000 km par an) en privilégiant le covoiturage ainsi qu’un emploi proche de chez soi, accessible en transports en commun, à pied ou à vélo, et prolongeraient la durée d’utilisation de leurs gadgets numériques de 50% avant de les remplacer, tout en réduisant l’usage des appareils électriques et électroniques, l’empreinte carbone pourrait être de 6.5t [²⁰].
Bref, même en y ajoutant une empreinte carbone liée aux services publics 2x inférieure à ce qu’elle est actuellement et même dans un cas relativement exemplaire, nous arriverions à une empreinte carbone d’environ 8t d’éq. CO2 par personne et par an, soit encore 4x supérieure au niveau d’émission requis pour limiter à 2°C le réchauffement climatique.
Un comportement individuel héroïque (en pratique inexécutable pour l’individu moyen) est donc à peine suffisant pour atteindre l’objectif de réduction des émissions par personne pour les 10 prochaines années, et si l’on ne change rien à côté, est totalement en deçà de ce qui est indispensable pour limiter le réchauffement à +2°C…
Rappel de l’importance de tenir cet objectif de max +2°C de réchauffement global ICI
L’action individuelle est donc importante, certes, mais reste quoi qu’il arrive cruellement insuffisante. Nous le répéterons inlassablement tant qu’il le faudra, mais sans changement structurel véritable, les carottes sont cuites d’avance !
Enfin, si vous désirez évaluer plus en détails les efforts que vous pouvez individuellement fournir afin de limiter votre empreinte carbone, nous vous proposons d’utiliser le calculateur MicMac (qui malheureusement se base sur l’empreinte carbone du SP français et la carbonation de l’économie française, mais vous pouvez toujours rajouter 5t de CO2 à votre résultat final pour avoir une idée générale de votre total).
Très chers concitoyens, en espérant que cette analyse vous sera utile dans votre démarche personnelle, il nous tarde de pouvoir construire cette voie de la sobriété heureuse avec vous !
Sources (et pour aller plus loin) :
– [¹] ecoconso.be – combien de CO2 émettons-nous en Belgique ?
– [³] Alternatives Economiques – Taux d’ouverture en 2007, en % du PIB
– [⁶] La Croix – Deux tonnes de CO2 par habitant, comment faire ?
– [⁷] Bon Pote – Vivre à 2 tonnes CO2e par an, c’est possible !
– [⁸] GEO – En 2021, les émissions mondiales de carbone repartent vers leurs niveaux d’avant le Covid
– [⁹] ADEME – estimation des émissions de GES liées à un repas
– [¹⁰] Site énergie du Service Public de Wallonie – Se chauffer
– [¹¹] Tout sur l’isolation – Comparatif entre une maison avec et sans isolation
– [¹²] isolation-thermique.org – Maison avec ou sans isolation : le comparatif ultime
– [¹³] État de l’environnement wallon – Répartition modale du transport de personnes
– [¹⁴] SPF Mobilité – Premiers résultats de l’enquête Monitor sur la mobilité des belges
– [¹⁵] SPF Mobilité – Enquête Monitor : la mobilité des Belges en chiffres
– [¹⁶] Statista – Répartition du trafic internet mondial par usage
– [¹⁷] Greenly – Comment réduire l’empreinte carbone du numérique ?
– [¹⁸] Orange – Empreinte carbone du mail : chiffres, conseils
– [¹⁹] GREEN IT – Empreinte environnementale du numérique mondial
– Metrotime – Quelle est réellement votre empreinte carbone ?
– Ravijen – L’empreinte carbone des français, un sujet tabou ?
– resistanceclimatique – Inventons nos vies bas carbone
– Greenly – Empreinte carbone : calculer, réduire et compenser son impact
– indicators.be – Émissions de gaz à effet de serre
– Consolglobe – Émissions de CO2 par habitant en France
– Commissariat général au développement durable – L’empreinte carbone des Français reste stable
– monconvertisseurco2 – Empreinte carbone des boissons
– BtoBeer – Dossier Développement durable : La durabilité des microbrasseries
– FUTURA – Vegan, végétarien, omnivore : quel est le meilleur régime pour la planète ?
– La Banque Mondiale – Les flux transfrontaliers de données
– Arcep – L’empreinte environnementale du numérique en France
Bonjour,
Pourquoi ne pas parler de l’impact du choix de banque ? Pour celles et ceux qui ont un capital, modeste ou important, il est important de savoir à quels financements leur banque utilise leur épargne. Il y a des banques qui se servent de nos livrets d’épargne pour financer des projets destructeurs de biodiversité et d’humanité, et des banques qui financent l’agroécologie, la permaculture, le respect des producteurs.
Bonjour,
Merci pour votre commentaire.
Effectivement, le secteur bancaire n’est pas en reste en termes d’empreinte écologique (carbone en particulier), plus de 90% des actifs étant fléchés vers les énergies fossiles. Évidemment, ces actifs ne sont pas que le fruit de choix purement individuels mais aussi de tendances et dynamiques collectives (nos Etats font le choix de flécher les investissements, publics comme privés, vers des activités encore aujourd’hui très carbonées, via notamment leur politique économique).
(Pour en savoir plus, l’économiste Gaël Giraud pour Blast) https://www.youtube.com/watch?v=rFB-7ZLD7K0
Qui plus est, la Belgique propose peu (voire pas) de banques finançant directement (sans greenwashing) des pratiques et projets alternatifs (en tout cas, pas à notre connaissance). C’est donc un levier sur lequel nous ne pouvons malheureusement jouer individuellement, à moins de démocratiser le secteur bancaire et dans ce cas, on s’inscrit davantage dans un changement de politique/société. Voilà pourquoi nous n’avions pas pris la peine d’évoquer cet aspect dans cet article.
De plus, bien que le Belge moyen soit réputé pour être un bon épargnant, la part de la population possédant un livret d’épargne relativement bien fourni est plutôt faible et concerne, une fois, de plus, les personnes les plus aisées en termes de patrimoine (on voit également que le Belge moyen dépose de plus en plus sur son compte courant, délaissant petit à petit les comptes épargne).
Or, les inégalités de patrimoine jouent un rôle prépondérant dans la crise écologique (plus on possède, plus on pollue). Confer notre article à ce sujet :
https://tseb.be/les-inegalites-fleau-social-ecologique/
Enfin, la méthodologie choisie dans cet article s’intéresse aux impacts liés à la consommation directe et non à leur induction (ça a le mérite d’être plus concret mais on perd certaines implications qui sont derrière). Pour y intégrer l’impact du secteur bancaire (en particulier celui qui amène à des activités extractives ou hors Belgique, qui ne se retrouvent pas directement dans nos biens de consommation), il faudrait procéder d’une autre manière.
Par contre, nous pouvons effectivement rajouter ici que les comptes à vue sont moins impliqués dans ces placements délétères (ne pas avoir de compte épargne réduit donc notre contribution aux investissements fossiles), que posséder un compte épargne, au vu des faibles taux d’intérêt, est dans tous les cas une hérésie et que la meilleure chose à faire reste de sortir l’argent des banques (encore faut-il le pouvoir, puisque beaucoup d’opérations nécessitent aujourd’hui un compte bancaire), en rappelant la contribution du secteur bancaire dans l’empreinte carbone totale. Nous pouvons vous renvoyer à cette interview de Frédéric Chomé pour LIMIT : https://www.youtube.com/watch?v=rYjriKKEc7k
Ceci étant dit, vous avez entièrement raison, le système bancaire (et plus largement, le système financier) est un problème de taille, qui nous ramène à des choix politico-économiques et aux règles du jeu qui en découlent, globalement peu compatibles avec les changements qui s’imposent.
Bien à vous,
Arnaud de TSEB