Associé aux sujets : La démocratie, L’autoritarisme, Le totalitarisme, Révolution, L’anarchie, La républiqueSéparation des pouvoirs, Liberté, Égalité, Grèce Antique

 

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L’urgence de radicalement transformer nos sociétés humaines, en vue de revenir dans les limites biophysiques avant qu’un dépassement soutenu et prolongé de celles-ci n’altère irrémédiablement et trop fortement les conditions d’habitabilité par rapport à nos capacités d’adaptation, n’est plus à prouver. Dans cette perspective, la démocratie, garante d’une dynamique en perpétuel mouvement [¹], pourrait constituer un levier déterminant pour transformer nos sociétés humaines à la hauteur des enjeux.

Toutefois, un système politique démocratique nécessite à la fois un certain niveau d’implication et de participation citoyenne, qui se manifeste par un cadre propice à la réflexion, gorgé de propositions politiques en accord avec des expériences à la fois personnelles et collectives, sous forme de partage d’analyses et de confrontation des idées et points de vue.

Ce système doit aussi être garant d’un questionnement permanent sur les outils et principes d’organisation adoptés pour choisir et décider, en représentant le plus fidèlement possible la synthèse des débats produits sur la durée, de même que l’expression des aspirations collectives. Se pose également la question du temps nécessaire à toute prise de décision, qui dans des situations d’urgence comme celle que l’on connait pourrait, a priori, s’avérer problématique.

Ainsi, dans quelle mesure la démocratie est-elle pertinente au regard des enjeux sociaux écologiques qui sont les nôtres ? Et pour commencer, qu’est-ce que la démocratie ?

 

1) Définition de la démocratie

 

Donner une définition unanime et sans équivoque de la démocratie est un exerce on ne peut plus périlleux. En effet, la démocratie peut désigner à la fois un mode d’organisation, un type de régime politique, un idéal sociopolitique, un ensemble de principes ou encore une pratique, pour reprendre le propos de Jacques Rancière [¹¹].

Dans notre article sur le système politique belge, nous avons également illustré à quel point le terme était aujourd’hui galvaudé, notamment lorsqu’il est employé par des politiciens de tous bords pour affirmer leur prodémocratie [¹⁵], quitte à ce que leurs pratiques entrent en totale contradiction avec la position affichée : dans bien des cas, tel un totem, la carte de la démocratie est brandie pour acter l’intégrité morale au service de l’intérêt de tous [²], indépendamment des dérives antidémocratiques perpétrées.

« La démocratie, le nom volé d’une idée violée » (Jean-Claude Martin)

En outre, selon le contexte, la démocratie peut prendre différentes significations et incarner des représentations diverses, même lorsque ces dernières sont contraires à ses principes de base [¹⁵]. Ainsi, le sens que l’on donne à la démocratie n’est pas invariant et dépend notamment de composantes sociales, culturelles et idéologiques, qui elles aussi évoluent de bien des manières au sein des sociétés humaines. Pour le dire autrement, depuis sa théorisation dans la Grèce Antique, ce concept arbore une ribambelle d’acceptions à travers le globe, parfois totalement antagonistes d’une région et d’une époque à l’autre.

Nous avons déjà eu l’occasion d’avancer ce qu’incarnait pour nous la démocratie, mais pour rappeler quelques-uns de ces principes :

  • égalité sociopolitique (les individus sont tous égaux en droits et jouissent tous de la même souveraineté) ;
  • délibération universalisée (tout.e Femme/Homme doit pouvoir participer au processus délibératif) ;
  • décentralisation (pas de concentration du pouvoir, chaque membre de la société en est titulaire) ;
  • processus décisionnel collectif (les décisions sont prises ensemble) ;
  • émancipation et priorisation de l’expression politique des populations victimes de dominations structurelles ;
  • poursuite du consensus (éviter autant que possible la tyrannie de la majorité [¹]) dans les limites du pluralisme et sans pour autant en réprouver l’inhérente conflictualité [¹⁸].

En outre, nous nous retrouvons dans une conception de la démocratie qui va bien au-delà de son acception communément admise, selon laquelle la démocratie serait le pouvoir de la majorité. De fait, la volonté de démocratiser toujours plus encore la démocratie fait pour nous partie de l’essence même de cette dernière. Cette proposition s’appuie notamment sur les travaux de l’historien et politologue Samuel Hayat, résumés ci-après par Karim Piriou [¹⁵] :

« [La démocratie] est le pouvoir du peuple mais aussi la recherche d’émancipation de la plèbe ET des minoritaires. Elle est à la fois politique ET sociale ; n’est pas le pouvoir de la majorité ainsi qu’on le conçoit : elle est à la fois l’expression et le résultat d’une tension entre la volonté populaire et les conflictualités et dominations qui traversent ce populaire. Elle est la recherche et l’approfondissement de cet idéal égalitaire ».

Notre vision de ce qu’est la démocratie se rapproche finalement de sa conception anarchiste [¹³][¹⁵] (un terme qu’on pourrait aussi désigner comme victime de « tabassage intellectuel« , à l’instar de la décroissance [¹²], et qui mériterait qu’on s’y attarde dans un autre article). Il est d’ailleurs assez cocasse de constater qu’à travers l’histoire des idées, la démocratie a souvent été associée à l’anarchie afin d’être discréditée, stigmatisée (Karim Piriou, Politikon, pg 14).

« la démocratie, c’est refuser d’être gouverné, mais à plusieurs (…) La démocratie, en ce sens à la fois politique et social, est le pouvoir des gouvernés qui se découvrent collectivement gouvernés, et qui dans cette découverte, refusent ensemble l’assujettissement » [¹⁵]

Il s’avère ainsi que la démocratie a longtemps été perçue comme impasse gouvernementale, chaos social, irresponsabilité politique,… [¹⁵][²]. Par conséquent, les fondations de nos régimes politiques représentatifs contemporains, substantiellement élaborées par des antidémocrates notoires, reposent sur une farouche défiance envers la démocratie !

« Selon le politiste Bernard Manin, notre régime actuel pensé comme « représentatif » mêle à la fois des éléments oligarchiques (il permet de sélectionner des élites qui délibèrent et décident de manière indépendante vis-à-vis des électeurs) et des éléments démocratiques (les libertés d’opinion et d’expression, la capacité de révoquer à l’élection suivante l’élite choisie précédemment).

Dans son livre « Principes du gouvernement représentatif », il écrit : « les démocraties contemporaines sont issues d’une forme de gouvernement que ses fondateurs opposaient à la démocratie. » (Karim Piriou, Politikon, pg 66)

Cela étant, notre caractérisation de la démocratie reste quelque part l’expression des valeurs que souhaite incarner TSEB. L’éventuelle subjectivité qui en découle ne peut donc constituer une définition générique. Nous pouvons toutefois nous soumettre à cet exercice en partant des bases fondatrices du terme et notamment de son étymologie.

Le mot démocratie demeure une contraction des termes provenant du grec ancien [¹⁶] :

  • demos, qui signifie le peuple ;
  • kratos, qui veut dire le pouvoir, le commandement.

Au sens littéral du terme, la démocratie peut ainsi se définir comme étant l’exercice du pouvoir par le peuple tout entier. C’est donc un mode d’organisation social et politique dans lequel le peuple est souverain sur lui-même et pour lui-même, sans intermédiaire, ce qui par extension présuppose une dimension avant tout collective et non individuelle du pouvoir.

Gardons toutefois à l’esprit que cette définition est veille de plus de 2 millénaires et que les représentations du demos et du kratos étaient bien différentes d’aujourd’hui, comme nous le verrons plus en détail au point suivant. Pour en démontrer succinctement le caractère lacunaire, on peut par exemple relever que dans une lecture plus rousseauiste, cette dimension populaire (soit collective) peut faire état d’une absolue primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers (par exemple des dominés) [¹⁵].

En effet, cette prééminence de l’intérêt général peut conduire à la réprobation (voire à l’effacement) du « je » en faveur du « nous » : au lieu d’œuvrer à la conjonction des deux, il y a risque d’une homogénéisation grandissante des individus et leur vision du monde via la disparition de leur altérité (rupture des principes d’autodétermination et de la liberté de pensée), et d’une légitimation des dominations et oppressions notamment à l’encontre des minorités à la marge (rupture du principe d’émancipation).

En définitive,  si le « je » s’efface totalement au profit du « nous » au nom du collectif, les conditions garantes d’une possible souveraineté des citoyens sur eux-mêmes ne sont plus respectées, et la démocratie ne peut alors advenir !

Cette définition, bien que générale, laisse donc la porte ouverte à d’autres représentations de la démocratie et à toutes les ambigüités qui vont avec, selon comment l’on conçoit notamment la souveraineté (le pouvoir absolu qui s’impose à tous, l’autodétermination de soi,…) et le peuple (un ensemble donné d’individus, une entité nationale indivisible, une élite,…).

Peut-être cette volatilité est-elle en partie responsable de tout le dévoiement subi du terme et du fait qu’on puisse l’associer à des principes et valeurs davantage conservateurs ou au contraire progressistes [¹⁶]. Toutefois, il reste que la démocratie représente un idéal où chaque membre de la cité participerait de la manière la plus éclairée possible aux processus délibératif et décisionnel destinés à administrer la société [¹⁶].

Or, conformément à la poursuite de cet idéal, on ne peut étendre cette capacité à l’ensemble des citoyens que si l’on cherche à instaurer [¹⁷] :

1) l’égalisation des conditions ; abolition des privilèges et rapports de domination, traitement égal devant la loi, émancipation et universalisation des conditions de vie dignes, garantie des mêmes droits pour tous, égalisation du pouvoir politique ;

2) la liberté : autodétermination, autonomie, indépendance et libre arbitre, accomplissement de soi, participation libre et consciente à la vie sociopolitique.

En ce sens, la définition suivante semble concilier ces éléments nouveaux dans l’Histoire des idées, qui précisent les contours de la démocratie, avec les racines étymologiques du terme : 

La démocratie est un régime [ou mode d’organisation] dans lequel l’ensemble des citoyens exercent directement le pouvoir politique (proposent, délibèrent, décident) sur base des principes de liberté et d’égalité des citoyens.

Bien qu’incomplète, la démocratie ne pouvant se résumer à un régime [¹⁷], nous pouvons nous satisfaire de cette formulation pour évaluer le caractère démocratique d’un système sociopolitique donné. En particulier et en s’appuyant sur notre analyse du système politique belge, ce point de départ est bien utile pour comprendre en quoi pratiquement tous les régimes prétendument démocratiques, ne l’ont pas vraiment été jusqu’ici.

 

2) Origines et développement de la démocratie

 

2.1) Genèse de la démocratie : Athènes ?

Dans l’imaginaire collectif, on associe généralement les prémices de la démocratie à la Grèce Antique, là où effectivement émerge la théorisation du concept de démocratie. Pour autant, à l’image de la gravitation universelle qui existait bien avant qu’elle ne soit théorisée, il n’est pas à exclure que l’expérimentation et la pratique de la démocratie aient largement précédé sa conceptualisation. Mais si l’on peut supposer l’existence de démocraties primitives antérieures, au cours du néolithique celles-ci restaient marginales à côté d’autres formes d’organisation plus hiérarchiques, stratifiées et inégalitaires [¹⁹].

De plus, les preuves formelles de démocratie (en particulier les traces écrites) datant de plusieurs milliers d’années avant notre ère se font rares, en des temps où les rites, cultures et connaissances se transmettaient essentiellement oralement de génération en génération, tandis qu’une partie de ceux-ci ont au fur et à mesure disparu suite à des mutations et déclins sociétaux et civilisationnels, tant induits par des éléments extérieurs (bouleversements climatiques, invasions, génocides,…) qu’internes (scissions, conflits, mauvaise gestion des ressources,…).

En tout état de cause, désigner une origine absolue de la démocratie reste une opération malaisée, et bien que les structures politiques d’il y a 2500 à 3000 ans étaient majoritairement verticales, elles l’étaient aussi à divers degrés, attestant d’un niveau pluriel de démocratisation. En outre, certaines sociétés s’organisaient de façon moins inégalitaire et tyrannique que d’autres, laissant entrevoir à bien des égards des principes et valeurs qu’on pourrait qualifier de démocratiques.

Bref, bien présomptueux serait celui qui prétendrait pouvoir déterminer précisément de quand datent les premières aspirations démocratiques, d’autant que l’esprit démocratique qui en émanait puisse sembler, devant notre façon d’appréhender aujourd’hui la démocratie, à mille lieues de son sens présumé… Il reste que ces aspirations existent peut-être depuis les premières formes d’organisation sociale humaine [²⁰].

« Il y a en effet eu dès l’aube de l’histoire humaine des sociétés égalitaires, sans pouvoir central et sans hiérarchie, celles des premiers groupes humains qui vivaient de chasse et de cueillette, et dont certains exemples subsistent encore aujourd’hui dans le monde, en particulier en Amazonie. Un ethnologue français, Pierre Clastres, a en effet montré (…) que dans les sociétés dites « primitives », tout est fait pour empêcher l’expansion d’un pouvoir despotique et autoritaire » (Françoise Dastur, philosophe)

Ainsi, son origine n’est pas tant à associer au régime athénien du Ve siècle Av. J-C (qui en serait la véritable genèse), qu’à notre incapacité à identifier des modes d’organisation démocratiques ayant précédé cet épisode. A défaut de pouvoir remonter davantage dans le temps, voyons comment la démocratie s’est formée et instituée à Athènes.

 

2.2) La « démocratie » athénienne et ses limites

La première chose à noter est que la démocratisation du régime politique athénien est le fruit d’une lignée de réformes étalées sur à peu près 2 siècles, faisant suite à d’importantes crises sociopolitiques [²¹]. En effet, la Cité-État fondée au 8e siècle Av. J-C [²¹] a connu d’importants bouleversements pratiquement dès ses débuts ; ballotée entre la tyrannie, les jeux de pouvoir de ses dirigeants et des transformations importantes sur le plan économique (monnaie, augmentation des échanges commerciaux,…), une nouvelle classe sociale aisée (un peu à l’image de la bourgeoisie à l’époque moderne) émergea, tandis que la concurrence s’élargit, ce qui paupérisa une partie grandissante de la paysannerie, alors réduite à l’esclavage [²²].

Pour contrer les instabilités qui en découlèrent, de nouvelles mesures furent prises comme la rédaction des premières lois athéniennes écrites (institution d’un droit commun), l’annulation des dettes des petits paysans dépossédés, l’abolition de l’esclavage pour dettes,… [²¹][²²] Cette volonté de réduction des inégalités socioéconomiques déboucha rapidement sur une baisse des inégalités politiques, étant donné leur étroite corrélation reconnue par Aristote lui-même [²³] (pg 5).

« La démocratie est née historiquement comme une limite mise au pouvoir de la propriété. C’est le sens des grandes réformes qui ont institué la démocratie dans la Grèce antique : la réforme de Clisthène qui, au VIe siècle av. J.-C., a institué la communauté politique sur la base d’une redistribution territoriale abstraite qui cassait le pouvoir local des riches propriétaires [²⁶] ; la réforme de Solon interdisant l’esclavage pour dettes. [²⁵] » [²²] (Jacques Rancière, philosophe)

Il est ainsi étonnant de remarquer que le concept de démocratie nait de la limitation de la propriété, là où la propriété privée (lucrative en particulier) et la liberté commerçante constituent le socle des pseudo démocraties modernes [²] ! Malgré tout, le régime athénien du 5e siècle Av. J-C était-il réellement démocratique ? Pour le découvrir, il faut notamment retracer le fonctionnement de son système politique, composé de 3 grandes institutions [²¹][²⁷][³¹][³²][³³] :

– l’Ecclésia, une assemblée réunissant plusieurs fois par mois les citoyens d’Athènes, où les lois étaient présentées, débattues et votées, où l’on décidait de la paix ou la guerre, d’ostraciser (exclure certains citoyens de la cité, notamment les plus avides de pouvoir) et qui désignait 700 magistrats (hommes politiques aux pouvoirs particuliers, élus chaque année ou tirés au sort) ;

– La Boulè, un conseil de 500 citoyens (50 par tribu) tirés au sort et dont la mission était de préparer/proposer les textes de lois à l’Ecclésia mais aussi de surveiller le travail des magistrats ;

– L’Héliée, un tribunal populaire composé de 6000 citoyens eux aussi tirés au sort, chargé de rendre justice en cas de violation des lois, aussi bien pour des violations d’ordre public que privé. Seuls les citoyens pouvaient s’en saisir.

 

 

N.B. : les magistrats athéniens étaient en quelque sorte les ministres d’aujourd’hui, puisqu’ils occupaient les hauts postes de l’administration et du commandement de la cité (notamment l’armée et les finances) et étaient en charge de faire appliquer les lois. A la fois contrôlés par l’Ecclésia et la Boulè, ceux-ci devaient rendre des comptes à chaque fin de mandat (qui durait généralement 1 année) et prouver qu’ils ne s’étaient pas enrichis grâce à leur magistrature.

En particulier, 10 magistrats âgés de plus de 30 ans, appelés archontes, étaient responsables de la justice et de la religion, tandis que l’aréopage, sorte de conseil des Anciens qui réunissait les précédents archontes (environ 150), était chargé de trancher les crimes de sang. Enfin, 10 autres magistrats commandaient les armées et s’occupaient de la diplomatie.

Pour pouvoir exercer son pouvoir politique (participer à l’Ecclésia, la Boulè ou encore l’Héliée), il fallait être citoyen athénien. Or, sur les 340 000 habitants d’Athènes, seuls 40 000 environ possédaient le statut de citoyen, soit un peu plus de 10% de la population seulement [²⁷] ! En outre, les 300 000 restants n’avaient aucun (ou peu de) droit politique et étaient forcément subordonnés aux citoyens…

Cette population était essentiellement composée d’esclaves, à l’époque considérés comme de vulgaires « propriétés animées » [²³] (pg 2), de Métèques (des étrangers venus d’ailleurs pour résider et travailler à Athènes, soumis à un impôt particulier mais protégés par la loi) [³⁴], et comprenait également les enfants et femmes d’Athènes, soumises à l’autorité de leur père et de leur mari, nous rappelant de façon cinglante que la société athénienne était foncièrement patriarcale et coutumière des pratiques esclavagistes ou encore coloniales. Ci-dessous, la répartition de la population athénienne jadis [³²] :

 

 

Pour autant, cette prérogative dont jouissaient les hommes d’Athènes s’accompagnait de critères et devoirs auxquels ils étaient tous tenus de se soumettre [²⁷][³¹][³⁴] : 

  1. avoir plus de 20 ans et accompli son service militaire entre 18 et 20 ans, l’Ephébie, afin de pouvoir défendre la cité en cas de guerre ou conflit armé ;
  2. être né d’un père athénien et d’une mère athénienne (femme née à Athènes, issue de parents tous 2 athéniens) ;
  3. participer au financement, au développement, aux tâches de la cité ainsi qu’aux cultes et grandes fêtes religieuses (les Panathénées) ;
  4. respecter les lois athéniennes.

Le non respect de ces devoirs pouvait dès lors s’accompagner d’une perte de ses droits voire de son statut de citoyen, pouvant aboutir dans les cas les plus extrêmes à l’exil ou encore la peine de mort.

Le régime athénien, loin de faire l’unanimité, rencontrait une certaine résistance du côté des familles les plus riches qui supportaient mal les politiques redistributives (les impôts mais également l’indemnité civique journalière, le Misthos, qui devait permettre aux citoyens les plus pauvres de participer plus facilement à la vie politique), leurs obligations (p. ex. l’organisation de certaines fêtes religieuses) ou encore le financement des dépenses publiques (salaire des soldats,…) [²⁷].

Rappelons d’ailleurs que vers la fin du 5e siècle Av. J-C, plusieurs philosophes ont été condamnés à l’exil, à la prison ou encore à la mort pour leurs croyances religieuses. Ainsi, la liberté du culte n’a pas toujours été garantie au sein de la cité athénienne [²⁸], ce qui serait aujourd’hui considéré comme profondément antidémocratique.

L’on peut également noter, sur un plan davantage institutionnel, que la validation d’une décision prise par l’assemblée populaire, l’Ecclésia, reposait uniquement sur le vote majoritaire : généralement exprimé à main levée, le résultat était de facto évalué à la grosse louche, tandis qu’il pouvait varier en fonction de la méthode utilisée et des personnes responsables du dénombrement. Qui plus est, l’obtention d’une majorité absolument faible suffisait pour faire adopter toute décision et éclipser la poursuite de délibérations en vue de dégager un plus large consensus.

Outre ces imperfections, la cité souffrait d’une bien mauvaise représentation de l’ensemble de ses habitants et en particulier de ses principaux opprimés, les esclaves et les femmes. In fine, n’ayant pratiquement aucun droit, leur défense reposait sur le bon vouloir des citoyens sensibles à leur sort et même si une décision recueillait une presque unanimité parmi les citoyens, celle-ci pouvait demeurer tyrannique pour le reste de la population.

Enfin, malgré différentes réformes censées réduire les inégalités socioéconomiques, les plus riches étaient surreprésentés au sein des institutions, notamment parmi les magistrats. En effet, les citoyens les plus pauvres (qui devaient d’autant plus travailler pour s’en sortir économiquement) ou encore situés au plus loin du centre d’Athènes, n’avaient pas autant l’opportunité de se présenter à l’Ecclésia [³⁴].

Et quand bien même, ceux-ci étaient nettement désavantagés face aux plus riches qui avaient plus de temps, de moyens pour s’instruire et de privilèges au sein de leur tribu ; par conséquent, ces derniers jouissaient d’un talent oratoire et d’une crédibilité généralement supérieurs pour convaincre le reste de l’assemblée. Il reste ainsi que malgré cette volonté de réduire les inégalités, inhérente à l’esprit démocratique de l’époque, la partie la plus aisée de la population détenait toujours l’essentiel du pouvoir politique.

Pour toutes ces raisons, le régime athénien n’a (malheureusement) jamais été démocratique. Il figure toutefois parmi les régimes qui ont manifestement instigué la recherche de cet idéal, et reste encore à ce jour une référence pour les enseignements qu’il nous livre, étant le premier à partir du principe que quiconque ayant le statut de citoyen peut participer au processus décisionnel [²⁹].

Cette singularité de l’expérience athénienne par rapport aux autres grandes villes de la Grèce Antique, majoritairement gouvernées par des monarques et des oligarques aristocratiques [¹⁷], démontre que même dans une époque fondamentalement tyrannique ou, comme aujourd’hui, particulièrement sujette au spectre de l’autoritarisme, les brasiers de cette aspiration ne se sont jamais véritablement éteints !

« Dépasser cette crise suppose retrouver et développer un certain nombre de germes contenus dans la démocratie athénienne : la politique comme étant l’affaire de tous les citoyens et non comme un métier particulier réservé à une élite ; la participation effective des citoyens aux affaires de la cité ; le contrôle des mandats ; l’auto-contrôle du peuple par lui-même. » [²³] (pg 11)

 

2.3) Développement progressif d’un élan démocratique encore inachevé

Contrairement à ce qui est traditionnellement admis, la fin de la démocratie athénienne suite à la défaite d’Athènes face à Sparte, à l’issue de la guerre du Péloponnèse, ne sonne pas totalement le glas de la démocratie en occident : certes, la fin de l’Antiquité sera surtout marquée par des conquêtes, épisodes guerriers et autres manifestations d’une insatiable soif de pouvoir, mais dans le même temps, même au sein de toutes ces monarchies et aristocraties bien établies, on retrouve des tentatives de démocratisation, notamment via des politiques redistributives ou encore de limitation (bien que souvent infructueuse ou de courte durée) du pouvoir absolu des dirigeants.

la question démocratique a ainsi poursuivi son évolution petit à petit à travers différents mouvements et aspirations, que ce soit sous la forme d’insurrections populaires, d’émancipation des populations opprimées (rébellion d’esclaves) ou encore d’autogestion (gouvernance libre et partagée de la plupart des activités autarciques quotidiennes) [²¹][²⁵][²⁹][³⁰]. Bon an mal an, elles ont pu permettre la conquête de certains droits, même si le processus fut effectivement long et caractérisé par de nombreux rebondissements.

En définitive, l’aspiration démocratique prend forme dans une lutte permanente à travers les époques, qui n’a pas attendu l’aube de la Révolution française ou encore américaine pour s’exprimer (encore que le caractère révolutionnaire de ces épisodes n’est peut-être pas aussi équivoque qu’il n’y parait [²⁹]) ! Il est ainsi incroyablement délicat d’associer quelque événement marquant qui aurait à lui seul drastiquement amoindri la dynamique des régimes tyranniques et autoritaires, ne fusse même que localement et temporairement, d’autant que les épisodes généralement cités se limitent au monde occidental, dans une perspective occidentalocentrée ayant encore aujourd’hui la peau dure [³⁵]…

Les occidentaux se pensent comme les propriétaires d’un modèle démocratique universel. Cette assurance faiblit pourtant dès qu’ils tentent de l’exporter. Surtout, elle les empêche de considérer aussi bien les épreuves de leur propre histoire que les questions soulevées par les expériences démocratiques non-occidentales. [³⁸]

Pourtant, devant cette difficulté à imaginer que l’occident ne soit pas forcément le berceau démocratique par excellence, surtout avec l’intellectualisation de la grande question démocratique par les Lumières (qui fit il est vrai ressurgir toute une série de réflexions autour du concept, et notamment sur ses origines (qu’on croyait alors athéniennes), sa légitimité devant d’autres régimes, son opérationnalisation, etc.), la démocratisation des régimes occidentaux a pu être devancée par des modes d’organisation plus démocratiques que les nôtres chez les autochtones [³⁵], en plus d’avoir bénéficié de leur influence.

Non exclusivement fruits de constructions et évolutions internes, au contraire, nos systèmes politiques se sont donc également nourris d’observations et pratiques venant d’ailleurs, et nul doute que les rapports entretenus avec d’autres régions du monde ont indiscutablement refaçonné, renforcé, alimenté nos aspirations démocratiques.

Il reste que comme nous l’avons développé au début de cet article, la plupart des penseurs occidentaux de cette période, bourgeois, considéraient l’oligarchie (ou aristocratie) élective comme le meilleur régime politique, et c’est sur cette base que nos systèmes politiques modernes ont été pensés et organisés. Difficile donc d’ériger le monde occidental en modèle sur ce plan, lui qui a toujours été sujet à des hégémonies idéologiques antidémocratiques, même si de fait les pays occidentaux sont en moyenne plus démocratiques que le reste du monde depuis le siècle dernier.

Avec cette idée de laisser aux citoyens (d’abord une partie, ensuite la totalité) la possibilité de s’exprimer par l’intermédiaire de représentants qu’ils ont eux-mêmes choisis, mais aussi de lutter contre les abus de pouvoir des élus en institutionnalisant le principe de séparation des pouvoirs (pt 2.2), notons cependant que si notre régime actuel n’est pas démocratique, on ne peut ignorer la tentative d’y avoir intégré certains principes essentiels à la démocratie (liberté d’expression, universalisation de droits au sein de la société civile,…), et même d’avoir tenté d’en constitutionnaliser certains.

Pour autant, que faudrait-il mettre en place pour relancer ce processus de démocratisation qui semble avoir reculé ces dernières années ? [³⁷]

 

3) Tendre vers plus de démocratie : pistes de réflexion

 

La poursuite et mise en pratique de la démocratie dans sa dimension la plus aboutie possible, soit dans une perspective de liberté et d’égalité, repose donc à la fois sur une historicité et une évolution sur le plan philosophique, idéologique (notamment d’émancipation, d’abolition des privilèges, d’égalisation des conditions) qui confèrent au concept un caractère aussi polysémique que labile.

Pourtant, une fois les contours de sa colonne vertébrale identifiés, nous voyons que la démocratie et son histoire dépassent largement l’image un peu fourre-tout de sa propre marque : en réalité, son avènement se conçoit plutôt comme un horizon à atteindre, qui à mesure de sa découverte laisse entrevoir de nouvelles perspectives ; elle constitue en outre un projet véritablement révolutionnaire, caractérisé par une lutte sociale permanente en faveur d’une société libre, et dont la liberté passe indubitablement par l’égalité. Sous cet aspect, il peut finalement y avoir autant de démocraties différentes qu’il n’y a de systèmes politiques à travers le monde !

C’est pour cette raison que l’on préfèrera parler d’UNE démocratie pour désigner un régime dit démocratique, au sens qu’il répond à un certain nombre de critères qui, comparativement à d’autres régimes foncièrement liberticides et inégalitaires, le placent parmi les plus satisfaisants en la matière. D’autant que l’évaluation du caractère démocratique de nos régimes politiques repose notamment sur le calcul d’un indice, quantifié à partir d’indicateurs dont l’appréciation, la pondération et la méthodologie dépendent de comment et avec quelle exigence l’on définit la démocratie, de comment on la conçoit,…

Ainsi primo, le calcul de ce fameux indice peut reposer sur des éléments culturels et méthodologiques plus ou moins variables selon le groupe qui l’évalue ; secondo, il ne retranscrit en rien l’absolu niveau d’aboutissement démocratique, et ce ne saurait être le cas puisque comme nous venons de le voir, la démocratie est une notion évolutive. C’est donc avant tout d’un point de vue comparatif, relatif, que l’indice de démocratie est le plus pertinent. On pourrait alors considérer que même le meilleur indice de démocratie calculé ne correspond pas forcément à un régime abouti sur le plan démocratique.

Bref, gardons à l’esprit que d’une part, ces critères peuvent évoluer à mesure que nous approfondissons la question démocratique (ce que l’on considère comme démocratique aujourd’hui pourrait ne plus l’être demain), et d’autre part, que même l’organisation la plus démocratique qui soit ne pourra jamais pleinement se définir ainsi, celle-ci supposant une évolution perpétuelle des approches conceptuelles, pratiques et champs réflexifs qui la caractérisent. Enfin, la pratique de la démocratie dépend bien évidemment des cultures, rapports et imaginaires qui peuplent et traversent nos sociétés.

Il est donc factuellement faux d’affirmer que nous vivons en démocratie, d’autant plus si nous empêchons toute évolution démocratique de notre système politique, ce qui semble pourtant être devenu la norme depuis des décennies.

Ceci étant dit, permettons-nous d’évoquer succinctement quelques réflexions et travaux qui, en plus de contribuer à l’enrichissement et à la réinvention du concept, pourraient ouvrir la voie à différentes façons de se rapprocher de l’idéal démocratique. Forcément, celles-ci s’inscrivent toutes en marge de la démocratie moderne dite représentative, qui a déjà été analysée (et critiquée) dans notre article sur le système politique belge.

A partir de cette base, nous serons un peu plus en mesure de comprendre l’écart abyssal entre nos pseudo démocraties et ce vers quoi elles sont supposées (ou pourraient) tendre…

 

3.1) Sens initial de la démocratie représentative : la République de Rousseau

Non seulement le système représentatif n’est pas vraiment démocratique, mais sa version contemporaine est d’une manifeste imposture. En effet, le véritable sens de la représentation porté par le philosophe et éminent penseur de la souveraineté populaire, Jean-Jacques Rousseau, à l’aube de la Révolution française, ne passe en aucun cas par la désignation d’une élite plus apte à gérer l’ensemble des choses publiques à notre place.

En réalité, Rousseau voyait plutôt les représentants politiques comme des exécutants de la volonté générale populaire et non comme des décideurs à part entière : c’est bien au peuple tout entier de défendre l’intérêt commun et décider, c’est-à-dire de définir le cadre et les règles du jeu ( = lois) qui régissent la société. Pour lui, la souveraineté populaire consiste donc en l’expression de la volonté générale du peuple par le peuple lui-même à travers les lois qu’il édicte.

Toutefois, Rousseau considère que la mise en application de ces lois dans la société doit rester la mission d’élus représentants, car il estime que le peuple ne peut à la fois produire les lois au nom de l’intérêt commun et dans le même temps faire appliquer ces lois à des situations particulières qui mêleraient ainsi intérêts communs et particuliers (voire personnels) des citoyens, sous peine de produire des affaires contentieuses [⁵⁰].

Dans ces conditions, pour limiter cette confusion entre les intérêts communs et les intérêts particuliers [⁵⁰], Rousseau propose de distinguer institutionnellement le moment où on élabore les lois (via des assemblées populaires, la puissance législative) du moment où on les fait appliquer (à travers un gouvernement, la puissance exécutive).

 

 

Ainsi, la fonction de discussion et d’arbitrage sur la façon la plus équitable possible d’appliquer les lois selon les situations particulières de chacun, doit être, selon Rousseau, la fonction exclusive du gouvernement et séparée du corps législatif, de sorte que les citoyens ne soient ni motivés, ni corrompus par leurs intérêts particuliers au moment d’élaborer les lois.

Par conséquent, ce principe de séparation n’existe que pour prévenir le risque, chez les individus, de chercher à produire des normes qui favoriseraient surtout leurs intérêts personnels et les éloigneraient du bien commun, notamment au détriment d’autres catégories de la population. Une telle situation pourrait effectivement renforcer des inégalités socioéconomiques et politiques ne rendant plus l’intégralité du peuple souverain (en capacité de décider, de produire les règles du jeu), mais une partie seulement.

A cet égard, Rousseau était donc partisan d’une forme de gouvernement aristocratique, composé de représentants désignés par élection ayant pour mission de faire appliquer les lois décidées par le peuple, les citoyens étant selon lui susceptibles de prioriser leurs intérêts personnels s’ils investissent aussi l’exécutif. Ainsi, cette conception de la démocratie que Rousseau théorise sous le nom de République, est bien de rendre l’ensemble du peuple maitre du pouvoir législatif.

Bien évidemment et même si Rousseau voyait la chose autrement, être titulaire du pouvoir législatif ne suffit pas pour garantir une totale souveraineté du peuple, puisque selon la manière dont les lois sont exécutées, elles peuvent être plus ou moins vidées de leur substance (d’où le principe de séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, supposés s’équilibrer et se contrôler l’un l’autre pour limiter cette dérive).

En outre, même si le peuple décide des lois, il ne décide pas vraiment s’il n’a pas la maitrise de leur exécution, et c’est en ce sens que Rousseau propose les élections pour choisir et contrôler les membres du gouvernement, afin de s’assurer que les lois décidées par le peuple soient appliquées à peu près correctement.

Pour résumer, la République de Rousseau n’est que partiellement démocratique dès lors que sa forme de gouvernement ne l’est pas, mais elle a au moins le mérite de limiter la représentation au gouvernement et non à l’ensemble des institutions politiques. De ce point de vue, elle n’a rien à voir avec la représentation parlementaire, où ce sont des députés élus qui constituent les lois à la place du peuple ! D’ailleurs, selon Rousseau, il n’en est pas question dans la mesure où l’on peut très bien exécuter la volonté d’autrui mais non vouloir en son nom [⁵⁰].

De ce fait, la République n’est pas foncièrement incompatible avec une certaine forme de démocratie directe, qui s’accommode de représentants là où il peut sembler pertinent d’en avoir, à l’image du régime athénien au Ve siècle Av. J-C (la Boulè, les magistrats, l’aréopage), pour autant que ceux-ci fassent l’objet d’un contrôle régulier par le peuple (notamment via un mandatement impératif), soient constamment révocables et du moment que le peuple reste le véritable détenteur du pouvoir politique.

En tout état de cause, une démocratisation de la Représentatie (ou régime représentatif) [¹] pourrait dans un premier temps consister en un retour aux principes fondamentaux de la République, ce qui n’est pas sans nous rappeler que le système politique belge est monarchique et non républicain. A l’unique condition d’un républicanisme rousseauiste, il serait alors possible de rendre un peu plus démocratique notre régime politique sans pour autant complètement renoncer à sa dimension représentative.

 

3.2) Vers une démocratie participative et directe

En réponse aux manquements du système représentatif, on évoque généralement la démocratie directe, qui n’est autre qu’un retour aux fondamentaux de la démocratie, à savoir « l’absence de médiation entre le peuple et le pouvoir politique. La souveraineté du peuple y est exercée directement par les citoyens assemblés, contrairement à la démocratie représentative où elle est exercée indirectement, par l’intermédiaire de représentants élus. » Selon cette appellation, la démocratie directe désigne donc un « régime politique dans lequel le peuple exerce directement le pouvoir » [³⁹].

Si la critique la plus courante à destination de la démocratie directe est que son application dans un État-nation est impossible (du fait de sa taille/population, qui n’a effectivement plus rien à voir avec la cité athénienne de la Grèce antique), au-delà de sa réalisation technique (via, par exemple, le communalisme [⁴¹], le (con)fédéralisme [⁴²],…), des outils existants et leurs limites (notamment le référendum [⁴⁰]), notons que la démocratie directe inscrit dans son ADN la poursuite du processus au cours duquel les citoyens deviennent davantage acteurs politiques que délégateurs.

Outre ne pas exclusivement concevoir l’élection ou encore le vote comme ultime moyen d’expression politique, l’un des fondamentaux de la démocratie directe est d’ouvrir la délibération et la prise de décision à l’ensemble des citoyens (n’importe quel citoyen peut prendre la parole et soumettre une proposition devant le peuple [³⁹]), de rendre chacun(e) force de propositions, d’étendre l’expression et la portée politique au-delà des institutions et administrations de l’Etat ou encore de mieux contrôler les décisions et actions des éventuels représentants (députés, ministres,…) dans un souci de transparence.

La démocratie directe n’est donc pas nécessairement le strict autogouvernement du peuple assemblé, et « la dimension démocratique du régime tient moins au caractère direct ou indirect de l’exercice du pouvoir qu’à la capacité donnée à tous les citoyens d’être à l’initiative des lois et d’en contrôler l’application » [³⁹].

C’est pourquoi l’idée de démocratie directe se résume souvent à une participation plus active des citoyens au processus délibératif et décisionnel, qui fait écho à ce qu’on appelle la démocratie participative. Pour autant, la démocratie participative (dans son acception courante) ne se pense pas contre la représentation mais plutôt comme complément, à travers un ensemble de dispositifs visant à impliquer davantage le citoyen dans la gouvernance, si bien que souvent cela se limite à de la consultation populaire, c’est-à-dire au fait d’inciter les citoyens à donner leur avis ou à participer à des débats avec leurs élus, qui restent quand même porteurs de la décision finale.

Ainsi, le caractère inachevé ou superficiel de la démocratie participative est régulièrement pointé dès lors que la notion renvoie à des dispositifs qui, à quelques exceptions tels les budgets participatifs, invitent, comme le souligne Bouvier, des « participants [qui] sont précisément entièrement privés du pouvoir de décision » [⁴³]

La démocratie directe va donc un cran plus loin que la démocratie participative (ou du moins, que la représentation conventionnelle que l’on s’en fait), en ce qu’elle étend la participation citoyenne à l’ensemble des pratiques et pouvoirs politiques sans se limiter à compléter mais véritablement proposer une alternative à la démocratie dite représentative.

Précisons toutefois que dans son élaboration théorique, la démocratie participative ne se réduit absolument pas à de la vulgaire consultation. En réalité, parmi les penseurs de la démocratie participative, il est aussi question de critiques de la représentation et de son organisation compétitive au travers des élections, d’intégration des rapports de classe, des inégalités politiques qui en découlent,… [⁴³]

Au concret, les démocraties représentatives se soldent par un fossé entre gouvernants et gouvernés, ces derniers étant dépossédés du fait de la délégation, inégalement informés et au final encouragés à demeurer passifs. Or apathie et oligarchie sont des maux à combattre.

Pour les théoriciens de la démocratie participative (…) il convient de promouvoir une citoyenneté active. À commencer par le système politico-administratif : les partis, les élections, les instances représentatives et l’administration publique doivent se doter de mécanismes de démocratie directe afin de mieux associer les citoyens, de mieux rendre des comptes mais aussi de favoriser l’expérimentation de formes politiques inédites.

Pour résumer, la démocratie participative s’inscrit plutôt dans une certaine continuité des institutions, au contraire de la démocratie directe qui n’exclut pas un renouvellement démocratique plus radical et disruptif, bien que dans le fond les deux propositions partagent des similarités. Dans tous les cas, les thèses de ces deux conceptions de la démocratie vont au-delà de la dimension représentative des systèmes politiques actuels, afin que les blocages à la démocratisation puissent être enfin levés.

La démocratie directe se retrouve notamment enrichie par deux théories à la fois antagonistes et complémentaires : la démocratie délibérative et la démocratie agonistique.

 

3.3) Théorie de la démocratie délibérative VS agonistique

Fondamentalement, dans une démocratie, tous les citoyens sont considérés comme des acteurs sociaux, c’est-à-dire des individus en capacité de produire un matériau sociopolitique : des idées, des réflexions, des échanges, des débats, des liens, des actions, des décisions,… En tant qu’animaux sociaux, nous avons besoin de fonctionner et interagir en groupe, c’est-à-dire en communauté, pour à la fois répondre à nos besoins et s’accomplir. Or, cette réalisation ne serait possible sans échange, ou pour le dire autrement, sans discuter ensemble et délibérer, soit se mettre d’accord sur les choix et décisions à prendre.

En ce sens, la démocratie délibérative est une approche théorique qui replace cet aspect communicationnel, délibératif, au coeur du processus, de la réalisation démocratique. En effet, l’idée de base est d’inclure l’ensemble de la société civile à la délibération, afin que chacun puisse participer à cette émulsion : donner son avis ; partager son récit et ses expériences personnelles ; produire et partager des analyses ; initier des réflexions ; s’enrichir des expériences d’autrui ; élaborer collectivement les directives à suivre / choix et décisions à prendre en fonction des connaissances disponibles, des débats et discussions résultant de la délibération ; trouver le meilleur compromis possible qui mette un maximum de monde d’accord,…

Il s’agit in fine de rechercher le consensus le plus large possible via l’intelligence collective et l’émergence d’arguments rationnels les plus pertinents et/ou légitimes, toujours dans l’optique de promouvoir le bien commun, de réduire les inégalités et d’arbitrer les conflits dans un cadre dépassionné, préservé des rapports de domination. L’égalité citoyenne, politique est donc une notion centrale dans la démocratie délibérative.

La démocratie [délibérative] est un régime dans lequel l’exercice du pouvoir passe par l’échange public d’opinions, d’informations et d’arguments entre citoyens égaux en vue de la prise de décision. [⁴⁴]

En outre, selon cette théorie, « la décision légitime n’est pas la volonté de tous, mais celle qui résulte de la délibération de tous. C’est donc le processus de formation des volontés qui confère sa légitimité aux résultats, non les volontés déjà formées » (Bernard Manin). Pour le dire encore plus simplement, « le peuple qui discute est la source des décisions légitimes et rien d’autre » (Habermas). [⁴⁵]

Afin de rester accessible à tous, la délibération doit pouvoir s’organiser dans l’espace public, c’est-à-dire dans des lieux de discussions entre les individus, qui parlent et argumentent publiquement de thèmes de société [⁴⁵] (par exemple, une assemblée de quartier), là où se crée l’opinion publique.

Cette universalisation de l’accès à l’espace public, censée garantir à tous la même légitimité à s’exprimer et se faire entendre, suppose également que les inégalités soient rangées dans un placard, via un ensemble de règles qui abolissent les privilèges et jeux de pouvoir, au moins le temps de la délibération. Cela demande aussi que le plus grand nombre soit investi dans la recherche du bien commun et puisse dégager du temps pour occuper ces espaces et moments démocratiques,

Toutefois, quand bien même les espaces délibératifs seraient idéalement arbitrés afin que chacun y ait le même poids politique, les structures et rapports sociaux qui interviennent dans tous les autres aspects de la vie sociale continuent d’imprégner, soit de façonner le corps social. Or, dans la mesure où cette empreinte sous-tend des comportements et attitudes, des représentations ou encore des manières d’interagir, il est illusoire de penser que ces rapports sociaux disparaitront aux portes de ces espaces délibératifs sans y être reproduits.

Pour le dire autrement, même si l’environnement politique est structurellement pensé pour ne pas reproduire des rapports d’oppression et de domination, le simple fait que ces rapports existent en dehors de cet environnement les cristallise au sein du corps social, et ce même lorsque celui-ci est amené à délibérer. Il en résulte nécessairement que les inégalités qui persistent à l’extérieur de ce champ politique, se manifesteront d’une manière ou d’une autre au cours du processus délibératif. En outre, les individus opprimés n’auront jamais la même puissance politique que les individus qui les dominent, même dans des espaces délibératifs idéaux.

Enfin, historiquement, la délibération a toujours figuré parmi les procédés élitistes, car c’est bien l’élite politique qui se revendique constamment du côté de la raison, tandis que le reste de la société, précisément considérée comme irrationnelle, serait alors inapte à gouverner :

« le modèle délibératif n’est en rien universel et découle de contextes bien particuliers : plutôt masculins, bourgeois, élitistes, exclusifs (…) où les plus riches et le plus souvent blancs, se considèrent comme plus légitimes pour prendre la parole (…) les plus faibles n’osent guère alors s’exprimer, dès lors qu’ils ont intégré presque inconsciemment cette position de dominé (…) On retombe alors dans un élitisme que la démocratie délibérative souhaitait rejeter au départ » [⁴⁵]

En outre, la définition d’un cadre délibératif véritablement égalitaire, supposerait préalablement que le reste de la société soit le plus égalitaire possible, ce qui reviendrait à se projeter dans un système véritablement démocratique. Dans ces conditions, la théorie de la démocratie délibérative n’a que peu d’intérêt puisque son objet est justement de démocratiser la société en s’écartant du modèle représentatif.

C’est sur cette base que la démocratie agonistique s’inscrit comme critique de la délibération en tant qu’ultime processus démocratique, mais pas seulement : pour dépasser les limites de la délibération, cette théorie de la démocratie s’appuie sur la nécessité des rapports conflictuels pour constamment réinventer l’espace démocratique, préserver l’existence de voix dissidentes qui peuvent collectivement s’organiser et s’identifier, et lutter contre ces jeux de pouvoir (notamment en redonnant une voix aux exclus/opprimés).

 C’est parce que des voix sont exclues que ceux qui se reconnaissent en elles adoptent une identité collective et peuvent formuler la nature du tort qu’elles subissent. [⁴⁶]

De ce fait, elle réintroduit le fait d’argumenter, de décider en méconnaissance de cause et selon des passions, des imaginaires, des envies, en rappelant une fois pour toutes que les fruits de la délibération ne peuvent exclusivement reposer sur des éléments rationnels (puisque décider implique en partie de ne pas savoir []). Or, si les principes et valeurs influencent les décisions prises, leur dimension plus ou moins arbitraire peut être indubitablement source de désaccords, soit de conflits, rendant la poursuite totale du consensus impossible.

La démocratie délibérative fait reposer la légitimité et/ou la justice d’une décision sur la qualité de la discussion qui la précède ; celle-ci doit avoir été marquée par la seule prévalence des meilleurs arguments, et avoir en tout état de cause exclu de la délibération l’exercice de rapports de pouvoir entre acteurs (…) Selon les théoriciens de la démocratie agonistique, il s’agit là d’une erreur. D’abord parce que les acteurs ne pourront que rarement se mettre d’accord, et garderont des conceptions opposées de la meilleure solution (…) Mais surtout, plus fondamentalement, parce que la politique tient justement dans la lutte pour la définition des questions qui se posent et de l’éventail des solutions pensables, pour la délimitation de ce que l’on appelle délibérer, pour la construction des identités des acteurs qui participent, etc. [⁴⁶]

De ce fait, la démocratie agonistique consiste en un ensemble de réflexions pour étendre l’expression politique au-delà de sa dimension délibérative et écarter la poursuite du consensus en tant que finalité, via notamment des moyens d’expression qui s’établissent hors des cadres et processus de discussion/décision existants, qui les bousculent, qui les font éclater pour mieux les refaçonner. « Dans cette perspective, les formes de participation qui doivent être étudiées et favorisées sont celles qui ne visent pas la délibération, mais bien la constitution et l’affrontement d’identités collectives, portées non seulement par la construction d’intérêts communs, mais surtout par la définition d’expériences, de projets et de conceptions du monde partagés ». [⁴⁶]

la participation restera et devra rester radicalement conflictuelle, mettant sans cesse en question les principes mêmes sur lesquels le consensus pouvait sembler s’être fait. L’horizon proposé par la démocratie agonistique est celui d’un déplacement perpétuel du conflit, à mesure que les identités politiques et les luttes hégémoniques changent de frontière et de forme. [⁴⁶]

Bien évidemment, la centralité du conflit dans cette conception de la démocratie ne signifie pas pour autant que n’importe quel mode d’expression soit légitime : l’idée est bien ici celle d’une « participation conflictuelle, qui définit une scène du conflit, toujours en déplacement, sur laquelle des acteurs politiques toujours en construction s’affrontent et, dans cet affrontement même, se reconnaissent ». [⁴⁶]

C’est donc dans la définition d’une scène du conflit (= ensemble des modalités d’expression de ce conflit propices au dialogue et à la reconnaissance des autres groupes sociaux, et non annihilatrice de tout échange pacifique, comme dans le cas d’une guerre civile par exemple), sans cesse redéfinie en fonction des conflits antérieurs, que la démocratie peut exister, ce qui n’est pas sans nous rappeler le caractère dynamique [¹] de la démocratie. A cet égard, c’est dans cet espace conflictuel codifié, cadré (mais dont les normes évoluent sans cesse) que les représentations s’affrontent, tandis qu’elles se transforment (nous font changer de regard) au cours de ces affrontements.

Cependant, au vu de sa dimension peu (voire anti) consensuelle, la démocratie agonistique ne résout pas la question de l’équilibre des rapports de force au sein de la société : la manifestation des oppositions ayant souvent pour origine les structures de domination, la transformation ou réorganisation de ces structures pourrait rendre leur abolition inopérante si le dissensus ainsi causé poussait l’une ou l’autre communauté à imposer son projet de société sans concession, quitte à reproduire les dominations qu’elle était censée combattre et rétablir un régime oligarchique.

En outre, si l’élargissement du cadre du conflit aux pratiques les plus dissensuelles, qui rendent impossible l’égale existence et reconnaissance des revendications de l’autre, devient l’horizon, cette opposition peut vite dégénérer en une fragmentation (voire implosion) de la société, voire en une oligarchisation. A cet égard, la dimension conflictuelle ne peut à elle seule garantir plus de démocratie, et comme pour le cas de la démocratie délibérative, la démocratie agonistique, prise isolément, se heurte à ses propres limites.

Tout ceci n’est pas sans nous rappeler que la démocratie reposera toujours sur un équilibre des plus précaires, nécessitant constamment une lutte sociale en faveur de sa préservation. Il reste que pour préserver ce que nous avons, nous ne pouvons nous cantonner à une démarche défensive (préserver le statu quo) : si l’attaque est la meilleure des défenses, seule la poursuite de l’idéal démocratique peut garantir son existence !

Enfin, même si la démocratie délibérative est sujette aux inégalités et à l’élitisme politique, leur expression reste affaiblie en comparaison à un système oligarchique représentatif. Vous l’aurez donc compris : plutôt que d’opposer ces deux approches conceptuelles, il est plutôt question de les faire cohabiter si l’on souhaite se rapprocher de l’idéal démocratique, d’autant que les réflexions qu’elles apportent nous poussent à toujours plus questionner notre exercice de la démocratie. Encore faudrait-il commencer à les pratiquer…

 

3.4) Autres réflexions sur la démocratie : liquide, continue, radicale,…

Bien évidemment, les travaux sur la démocratie ne se limitent pas aux deux théories que nous venons d’aborder ; d’autres réflexions, notamment axées sur l’amélioration et le renforcement de dispositifs démocratiques, viennent enrichir la question de l’exécution des théories et aspirations démocratiques précédemment évoquées.

Par exemple, la démocratie liquide, qui se définit comme un « dispositif technique et discursif recueillant les propositions citoyennes et permettant de délibérer, consulter, amender ainsi que de voter afin de favoriser un accès durable et une participation effective à la prise de décision publique et/ou politique » [⁴⁷], propose des outils pour :

  • améliorer la transparence sur les débats et décisions politiques prises, les changements dans la loi, les projets menés par les pouvoirs publics, sur les travaux effectués au cours des mandatures et législatures,…
  • étendre le terrain politique (lieux de débats, discussions, délibérations, propositions, décisions,…) et son accès à la participation citoyenne, au-delà des sphères classiques : dans les entreprises, quartiers, écoles,…

Dans un autre registre, la démocratie continue est une proposition qui s’appuie sur des éléments constitutionnels pour étendre la citoyenneté (le pouvoir politique du citoyen) à l’ensemble de l’espace public (et pas seulement aux institutions étatiques – assemblées, parlements,… – prévues à cet effet) et rendre ce pouvoir universel, c’est-à-dire la compétence du peuple tout entier, de tous et pas celle des élites seulement (Jacques Rancière).  En définitive, il s’agit de rendre permanente cette universalisation du pouvoir et de la citoyenneté grâce à sa constitutionnalisation [⁴⁸].

A l’inverse, la forme continue de la démocratie se fonde sur la reconnaissance de la compétence normative des citoyens qui vient « continuer » la compétence électorale, qui vient signifier que la compétence politique des citoyens ne s’épuise pas, « ne s’arrête pas » à l’élection

In fine, l’idée est de rendre le citoyen force de propositions et d’élaboration des lois, sans passer par le référendum, notamment grâce à une redéfinition du rôle des ministres et députés, qui s’appuierait sur une autre conception de la représentation alors inscrite dans la constitution, à savoir que les représentants sont au service du peuple.

Dans cette optique, leur but ne serait pas de voter les lois mais bien de recueillir toutes les propositions afin de les faire débattre en assemblées, c’est-à-dire de recueillir toutes les propositions émanant de la société civile (à l’image de l’accesseur qui rassemble et comptabilise les voix des citoyens le jour des élections). En parallèle et sur un plan davantage exécutif, une assemblée citoyenne serait prévue pour évaluer les effets/conséquences des politiques publiques, sous la forme d’un gigantesque audit au sein de la population, et pour les modifier/adapter au besoin ou encore revoir leur exécution.

Enfin et à titre purement indicatif, la démocratie radicale regroupe un ensemble de réflexions philosophiques sur des formes nouvelles ou alternatives de la démocratie qui ont été véritablement expérimentées et mises en pratique au cours de l’Histoire [⁴⁹].

Loin d’avoir balayé l’ensemble des travaux sur le sujet, l’on pourrait encore creuser des heures durant les manières de mettre en place toutes ces propositions, mais c’est un travail à mener ensemble puisqu’à dire vrai, un tel débat n’a selon nous de sens qu’à partir du moment où il est animé par un grand nombre de nos concitoyens ! Toutefois, si nous devions résumer en quelques lignes le vaste propos venant d’être abordé, nous avons aujourd’hui à notre disposition tout un tas de réflexions et travaux sur comment améliorer la démocratie ; son cadre, son espace, son organisation, ses outils, sa pratique,…

Ceux-ci nous donnent largement les moyens de non seulement pallier les faiblesses du système représentatif, mais aussi l’opportunité de dépasser ce mode de gouvernance en se rapprochant un peu plus de l’idéal qu’incarne la démocratie, à savoir une société libre et égalitaire. Il ne reste ainsi plus qu’à les expérimenter, les pratiquer, les compléter et les adapter au gré de nos tentatives, auxquelles il ne tient qu’à nous peuple de donner vie !

 

Conclusion : redonner vie à la démocratie

 

Les éléments historiques et conceptuels repris dans cet article confirment ce que nous avions avancé dans notre analyse du système politique belge, à savoir que nous ne vivons pas en démocratie. Pas seulement parce que le système représentatif est basiquement une oligarchie, surtout parce que son institutionnalisation, sa constitutionnalisation entrave frontalement la poursuite de son évolution et l’exercice de la démocratie en tant que dynamique du changement, à une époque où nous avons cruellement besoin de profondes transformations, aussi bien pour des raisons sociales qu’écologiques.

Même au regard des autres conceptions de la démocratie, que ce soit en tant que mode d’organisation, idéal sociopolitique, ensemble de principes ou pratique, nous voyons aujourd’hui :

– que nos activités et prises de décision sont, bien souvent, organisées et implémentées de façon verticale ;

– que le sens courant du mot n’a rien à voir avec l’idéal qu’il est censé poursuivre ;

– que la pratique d’egos en tant qu’égaux est totalement balayée par la montée en puissance des inégalités ;

– que certains des principes qui balisent notre société sont plutôt élitistes, aristocratiques, méritocratiques et donc antidémocratiques !

 

Sources (et pour aller plus loin) :

 

– [¹] Data Gueule – Des obéissances civiles ? (Manuel Cervera-Marzal)

– [] Institut Sociodynamique – Etienne Klein : Faut-il savoir pour décider ?

– [¹¹] Blast – Jacques Rancière : Nous ne vivons pas dans des démocraties mais dans des états autoritaires

– [¹²] Le Nouvel Obs : En France, la décroissance est la cible d’un véritable tabassage intellectuel

– [¹³] CAIRN.INFO – Philippe Pelletier dans Anarchisme, vent debout ! : « L’anarchisme est contre la démocratie. »

– [¹] CAIRN.INFO – Charles Coutel dans Enseignement philosophique : « Tyrannie de la majorité » selon Tocqueville et « droit des minorités »

– [¹⁵] Politikon – La démocratie N’EST PAS le pouvoir de la majorité

– [¹⁶] CAIRN.INFO – Rémi Lefebvre dans Leçons d’introduction à la Science Politique : La démocratie : définitions et invention

– [¹⁷] CAIRN.INFO – Jean-Vincent Holeindre : Une brève histoire de la démocratie, d’Athènes à nos jours

– [¹⁸] DicoPart – Samuel Hayat : Démocratie agonistique

– [¹⁹] Académie des Sciences Morales et Politiques – Jean Baechler : Les origines de la démocratie

– [²⁰] Arte-filosofia – Françoise Dastur : Petite histoire de la démocratie

– [²¹] Assemblée Nationale du Québec – Par ici la démocratie : Origines de la démocratie : d’Athènes à aujourd’hui

– [²²] Wikipedia – Démocratie athénienne

– [²³] Université d’été d’Attac – Pierre Khalfa : Retour sur les origines de la démocratie, Athènes

– [²] Data Gueule – Des mots, des mots… Démocratie ?

– [²⁵] millénaire3 – Centre Ressources Prospectives du Grand Lyon : Les dates clés de l’histoire de la démocratie

– [²⁶] Nelly Mouchet – Culture Générale – concours 2021-2022 (Ed. ellipses)

– [²⁷] Le Labo d’Histoire-Géo – La démocratie athénienne

– [²⁸] Wikipedia – Histoire de l’athéisme en Occident

– [²⁹] publications universitaires de l’UQÀM avec Francis Dupuis-Déri – Démocratie : histoire d’un malentendu

– [³⁰] Le Monde diplomatique – Olivier Pironet, Démocratie : chronologie historique

– [³¹] Lumni enseignement – Réseau Canopé – La démocratie athénienne

– [³²] lelivrescolaire.fr – La démocratie athénienne (Ve‑IVe siècles av. J.‑C.)

– [³³] Kartable – La cité des Athéniens au Ve siècle avant J.-C.

– [³⁴] Mr EDO – La démocratie à Athènes (mise en place, fonctionnement et limites)

– [³⁵] Journal du MAUSS – David Graeber et David Wengrow : les origines autochtones de la démocratie dans les Amériques

– [³⁷] France 24 – L’érosion des démocraties dans le monde continue « pour la 6e année consécutive »

– [³⁸] la vie des idées – L’universalisme démocratique : histoire et problèmes (Pierre Rosanvallon)

– [³⁹] DicoPart – Chloé Gaboriaux : démocratie directe

– [⁴⁰] OpenEdition Journals – Marie-Élisabeth Baudoin – La démocratie directe : entre histoire et avenir (introduction)

– [⁴¹] DicoPart – Pierre Sauvètre & Sixtine Van Outryve : communalisme

– [⁴²] CAIRN.INFO – Étienne ArcqVincent de CoorebyterCédric Istasse dans Dossiers du CRISP : fédéralisme et confédéralisme

– [⁴³] DicoPart – Sandrine Rui : démocratie participative

– [⁴⁴] DicoPart – Charles Girard : démocratie délibérative

– [⁴⁵] Politikon – La démocratie délibérative, une alternative ?

– [⁴⁶] DicoPart – Samuel Hayat : démocratie agonistique

– [⁴⁷] DicoPart – Arthur Renault : démocratie liquide

– [⁴⁸] DicoPart – Dominique Rousseau : démocratie continue

– [⁴⁹] DicoPart – Manuel Cervera-Marzal : démocratie radicale

– [⁵⁰] Le Stagirite – La démocratie ne convient-elle qu’à un peuple de dieux ? (Rousseau)

– [¹] ÉLUCID – Le gouvernement du peuple, par une caste, pour cette caste : la « Représentatie »